Depuis deux mois, pour le CPE ; depuis six mois, pour les émeutes en banlieue ; depuis un an, pour le référendum sur la Constitution Européenne ; depuis cinq ans, pour la dernière présidentielle, les pouvoirs en place, les médias dominants et quelques intellectuels nous expliquent que les français ne comprennent rien à rien.
Ils leur reprochent leur incapacité à s'adapter au mouvement du monde, leur refus de réformes qui pourraient les sauver, leur entêtement à s'accrocher à leur passé comme une moule au rocher.
Il y a du vrai dans tout cela et, bien sûr, il y a de sérieux aveugles, des égoïstes, des mammouths et des conservateurs dans ce camp du refus.
Et pourtant, tout cela est fondamentalement faux !
Par un étrange détournement des mots, on appelle désormais réformes des vraies contre-réformes ; on appelle démocratie ce qui en est le déni permanent ; on appelle “Constitution européenne“ un bottin de règlements commerciaux ; on appelle “modernes“ ceux qui vont dans le sens de ce vent mauvais et “anciens“ ceux qui n’en veulent point ; on appelle progressistes ceux qui dessinent un monde de régression et immobilistes ou archaïques ceux qui rêvent d’un monde meilleur…
Ce détournement du sens des mots est typique de tous les absolutismes, de tous les totalitarismes, de tous les dogmatismes, de tous les intégrismes.
Des exemples ? Le catholicisme au temps de l’inquisition se vantait d’être une religion d’amour ; les colonialismes, d’abord soucieux de leur compétition de puissances et d’exploitation de matières premières et de main-d’œuvre à bas coût mettaient en avant leur mission civilisatrice ; l’entrée des camps nazis était surmontée du slogan “le travail rend libre“ ; les démocraties populaires étaient aussi peu démocratiques que populaires…
Aujourd’hui, tandis qu’on nous distrait avec l’intégrisme islamique, nous subissons un nouveau dogmatisme, un nouvel intégrisme, totalitaire par essence, redoutable par sa puissance et son rayonnement mondial, celui de la vulgate néo-libérale, celui du capitalisme financier, qui privilégie l’actionnariat au travail, qui enrichit les riches et appauvrit les pauvres, qui transfère le travail là où il n’est ni coûteux ni protégé.
Cet intégrisme est, au sens propre, réactionnaire et conservateur. Il gère à l’aveugle un monde injuste et suicidaire. Il n’a rien à faire de vraies réformes (celles qui changeraient le monde, aboliraient les armées, amélioreraient la vie des gens, répartiraient équitablement les richesses, se préoccuperaient de la sauvegarde de l’environnement, nous prépareraient aux flux migratoires des 30 prochaines années, etc, ou, dans des registres plus modestes, qui géreraient au mieux un pays, dans un esprit de progrès).
Progrès. Retenez ce mot. Il doit retrouver tout son sens dans un monde qui ne pense que croissance, consommation, quantité, individualisme. Dans un monde qui n’en peut PLUS, on se doit de faire MIEUX.
Aujourd’hui, l’essentiel des institutions internationales est entre les mains de l’intégrisme du capitalisme total. Le gouvernement français, dans toute sa maladresse, en est, comme tant d’autres, l’esclave.
Le CPE est révélateur de cela. Ce n’est qu’un épisode, mais il cristallise la prise de conscience de ceux qui, de plus en plus nombreux, en France comme ailleurs, veulent résister à l’intégrisme du capital financier, à cette dictature dissimulée sous les traits d’une démocratie de façade, à ce déni de civilisation paré des oripeaux “enviables“ de la consommation, à cette régression de l’humanisme déguisée en combat pour la croissance, à ce refus du vrai progrès au nom des valeurs rances de l’exploitation.
Ces “résistants“ ne sont ni “anciens“, ni “conservateurs“, ni “immobilistes“, ni “archaïques“. Pacifistes ou guerriers, ils sont le sel de la terre, ouvrent des sentiers d’espoir, imaginent le possible et l'impossible, ils sont les créateurs d’avenir.
Ici et là, partout dans le monde, chaque jour plus nombreux, ils prennent des initiatives, parfois dérisoires, souvent exemplaires, ils se rencontrent, forment des groupes réels ou virtuels, s'inventent des histoires, réinventent l'histoire et de nouvelles formes d'action. Ecoutez-les. Rejoignez-les. Ils sont comme une vague qui roule et devient immense. Tout cela ne fait que commencer.
PS- Pour ceux qui croiraient que ce texte est pure élucubration, je conseille la la lecture de la traduction dun article de l'International Herald Tribune (quotidien gauchiste bien connu) du 30 mars dernier, intitulé “La lutte des étudiants pourrait s'avérer prophétique“, par William Pfaff.
DEMISSION...c'est tout ce que l'on peut espérer de cet Etat!
Rédigé par : entropie | 06 avril 2006 à 11:22
Je pense qu'il va falloir l'aider un peu... :-)
Rédigé par : Casabaldi | 11 avril 2006 à 10:04