"Je suis passé à pied aux Invalides hier vers 16h, deux heures avant les affrontements parisiens.
Tout était prêt sur le "thêatre des opérations" pour que la fin de la manifestation dégénère comme cela est arrivé hier soir.
Je m’explique.
A droite, en regardant l’esplanade, toutes les équipes des télévisions étrangères avec leurs camions satellites installées-là, prêtes à filmer des incidents (regardez CNN par exemple…).
Au fond, sur le Pont Alexandre III des centaines de CRS bien visibles.
A gauche, toutes les rues perpendiculaires au Bd des Invalides (Grenelle, Varenne, Oudinot…) barrées par de véritables Robocops particulièrement impressionnants.
Disséminés aux alentours des fonctionnaires de police en civil prêts à intervenir.
Bien sûr, l’Esplanade des Invalides est évidemment un endroit idéal pour une dispersion mais c’est également un lieu propice à la castagne. J’y ai quelques souvenirs personnels en 1986 notamment…
Le problème, c’est que la venue des casseurs encapuchonnés ayant été évidemment anticipée par les Renseignements généraux, je ne comprends pas pourquoi il a fallu tant de temps avant que la police intervienne. Les syndicats de policiers expliquaient hier qu’ils ne voulaient pas prendre le risque de blesser des – vrais – manifestants. Je ne suis pas expert en maintien de l’ordre et c’est un argument recevable.
Mais je suis tout de même interpellé par les images que j’ai vues et, surtout, gêné par ce qu’elles peuvent laisser croire.
Je me demande, en effet, si en laissant, dans un premier temps, les manifestants se faire lyncher et dépouiller les « autorités » ne visent pas à introduire une division sociale entre les gentils manifestants - bien blancs - et les méchants casseurs, pour la plupart issus de l’immigration.
Tel est en tout cas le sens de tous les commentaires vus et entendus, hier soir, dans les 20 h et ce matin sur les radios.
Cette représentation de la situation est fallacieuse.
Cette (di)vision n’est pas conforme à la réalité.
Il y avait aussi des jeunes issus des quartiers les plus difficiles dans la manif et les plus concernés par le CPE c’est évidemment eux !
Il ne faudrait donc pas qu' « on » (médias et politiques) vienne nous expliquer que « la banlieue est descendue pour tout casser comme en novembre »…
Oui, « la banlieue est descendue », elle était en majorité dans la rue, dans le cortège.
Quant aux groupes mobiles et entraînés de casseurs à capuchons, ce sont les mêmes salopards qui affolent leurs voisins tous les jours et qui sont venus se défouler à peu de frais dans la capitale.
La précarité sociale eux, ce n’est malheureusement plus leur problème."
[Bravo à] Guy Birenbaum - Domaine d'Extension de la Lutte (source et commentaires)
Il existe une hypothèse que vous n'avez pas envisagée concernant l'aspect tardif de l'intervention : plutôt que vouloir induire une dimension socio-ethnique de division entre manifestants, peut-être qu'il a été estimé préférable que la police attende que les vrais manifestants (peu importe leur origine) soient effectivement agressés par des racailles (désolé, je n'ai pas trouvé de terme plus neutre, comme vous le signalez, il y aussi des jeunes de banlieue qui sont de vrais manifestants) de sorte à ce qu'ils soient heureux de voir la police arriver, au lieu de chercher à l'affronter.
Ben oui, si la police intervient de manière préventive, il y a moins de risques d'agressions mais il y a plus de risques de ressentiment de la part des vrais manifestants.
Si elle attend que ça commence à dégénérer, au moins son arrivée apparaît comme salutaire, puisqu'elle n'incarne plus le vilain bourreau répressif mais le défenseur du manifestant et du pompier.
Même s'il est certain qu'ensuite, certains reprocheront à la police l'aspect tardif de son intervention, car en règle générale, la police est toujours perçue comme trop tardive ou trop précipitée - pour des raisons plus générales qui tiennent plus à ce que la police incarne symboliquement pour certains plus qu'à son activité propre.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 24 mars 2006 à 14:43
Oui... Et reste la peur. Celle de jeunes lycéens, de parents, d'étudiants, d'actifs (ou non) qui au vue de ces images savamment diffusés hésiteront à manifester demain... Efficace la peur. La peur du "bandit" ou du "voyou" plus encore que celle du gendarme... Triste démocratie où le combat de coqs entre deux hommes à droite (dont l'un de petite taille devrait faire son coming-out samedi) laisse la société dans l'impasse. Une impasse que notre historique pragmatisme syndical (c'est du 8° degrès) n'aide pas à dépasser...
Rédigé par : Nicolas | 24 mars 2006 à 14:49