J'avais il y a un bout de temps initié une discussion virtuelle avec Nicolas Sarkozy. Valerio Motta poursuit la démarche et lui écrit aujourd'hui cette lettre, comme d'autres le podcast.
(texte intégrale)
"Cher Nicolas,
Permets-moi de te tutoyer. C’est vrai c’est si sympa quand vous vous donnez du « tu » avec Karl Zéro que j’aimerai bien avoir aussi ce bonheur. Voilà qui est fait.
Bon, si je prends ma plume, c’est pour te parler d’une broutille. Oh, trois fois rien dans ta stratégie présidentielle, un détail. Je pense que tu as du entendre parler ces jours dernier du CPE, tu sais, ce contrat qui va permettre d’embaucher un « jeune » et de pouvoir le licencier sans motif pendant deux ans.
Jusque là pas de problème pour toi. Ce général d’empire arrogant qu’est Villepin se plante tout seul sur les pieux qu’il a lui-même contribué à voir dresser, c’est plutôt marrant, et ça fait un rival de moins pour 2007. Chirac, ton vieil ennemi, à qui tu en as toujours voulu de ne pas pardonner ta trahison de 1995 avec Edouard, sourd comme un pot, isolé, qui n’a jamais rien compris à la jeunesse et qui prêche depuis l’Allemagne pour un dialogue qui ne peut plus exister dans les conditions actuelles, c’était rigolo, ça faisait penser, avec moins de classe, à De Gaulle à Baden-Baden. Tout ça n’était pas bien dangereux.
Mais la colère est montée. Sentant venir le coup, tu n’as pas été en première ligne sur cette histoire de CPE. Tu t’es montré attentif à ce que les violences soient contenues et à ce qu’il n’y ai pas trop d’images de CRS tapant des jeunes. Pas mal joué. Tu as plutôt évité le sort des Pasqua et des ?? qui garderont à jamais à des images de tabasseurs d’étudiants. Bon bien sûr, il y eu quelques coups de matraque et un peu de lacrymo, mais c’est le sport. Comble du luxe, tu as même pris la précaution de distinguer les manifestants des casseurs, évitant le couplet habituel de la droite sur « les jeunes manipulés par les gauchistes minoritaires », alors que d’autres se vautraient jusqu’à la niaiserie dans ce genre de caricatures que n’apprécient pas les français.
Et puis ton plus beau coup, c’est celui de jouer l’unité majoritaire, sans pointer le bout de ton nez. Ah, il y en a des Novelli, des Hortefeux, des Pécresse pour porter le flambeau de la solidarité avec le gouvernement. Impeccable sur le plan politique. Tu as déjà trahi Chirac en 1995, avoir encore une fois une étiquette de traître, ça fait mauvais genre pour se lancer dans une campagne présidentielle.
Alors, il y en a eu des parlementaires pour soutenir le gouvernement. Et même des ministres ! Sauf peut être ceux qui te sont le plus hostiles. Et c’était assez bien pensé parce que, youkaydi, youkaida, il faut être sacrément unis quand tous les partis, les syndicats, 68 % des Français, les trois quarts des universités, des lycées et 1,5 millions de Français sont contre ton CPE.
Voilà où je veux en venir Nico. Tu permets que je t’appelle Nico ? C’est Denisot qui t’appelle comme ça le week-end. Le petit souci, c’est que tu n’es quand même pas pour rien dans toute cette histoire.
Tu as assez voulu montré à tout le monde que la rupture c’était super, que tu tenais le groupe parlementaire UMP, une grande partie du gouvernement et que c’était toi le vrai chef de la droite française pour que l’on ne t’oublie pas aussi vite ?
Ne pense pas que, de Neuilly ou de la Place Beauveau, tu vas pouvoir observer tranquillement Chirac et Villepin s’enferrer dans l’erreur et l’impopularité. Ils sont largement capables de le faire, ils ne sont plus à une connerie près. Mais n’imagine pas une seconde que tu sortiras tranquille de tout ça. Si Villepin a fait le CPE, c’était pour te bouffer du terrain sur l’idée de la rupture avec le modèle social français vers le libéralisme. Tu es d’ailleurs d’accord sur le fond. Mais surtout, le CPE ne serait pas possible si tu n’avais pas décidé qu’il passerait. Au fond, ça t’arrange bien que d’autres tatchérisent la France, qu’ils se prennent le goudron et les plumes, tant que tu emportes la mise.
Nico, il vaut mieux ne pas prendre les Français et les jeunes pour des gogos. Ils ne veulent pas du CPE. Ils savent très bien que c’est toi qui est derrière toute cette agitation, et c’est aussi contre ta vision de la société qu’ils manifestent. Alors, attention ! Si tu ne veux pas te cramer aussi pour 2007, tu peux même transformer un retrait du CPE que tu imposerais en victoire politique pour toi et en humiliation pour Villepin. Ce n’est pas forcément mon intérêt politique de te prévenir et de te pousser à faire retirer le CPE. Mais bon. Prends plutôt ça pour un avertissement. Je dois te cacher que je ne serais ni fâché ni surpris qu’après la bérézina de Villepin, les français ne se rappellent que le CPE, c’est toi aussi et que tu ne tombes dans un Waterloo électoral comparable à ton dernier résultat lors d’une élection nationale, 13% quand tu étais tête de liste aux européennes. Une victoire à l’élection présidentielle ne s’est jamais faîte sans la jeunesse, et là, c’est plutôt mal barré.
Bon allez, Nico, je ne t’ennuie pas plus avec ces histoires de jeunes, je sais que ça ne t’intéresse pas plus que d’autres segments de la population à laquelle cibler des messages par des publicités sur google.
On se croisera peut être sur le terrain de la bataille démocratique, tu ne me reconnaîtras sans doute pas, modeste étudiant que je suis. La seule chose qui est sûre, c’est que je n’y serai pas seul.
Bise à Cécilia et à bientôt."[ndlr : pour la bise, Valério, note que ce ne sera pas évident, la dame n'est plus là !]
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