La scène s'était déroulée (...) le 23 mai 1989, moins de quinze jours avant la répression sanglante du mouvement de Tiananmen. Alors que des milliers d'étudiants occupaient la place depuis des semaines pour demander des «réformes démocratiques», trois jeunes enthousiastes d'une vingtaine d'années se placent sous le portrait géant de Mao Zedong. De leurs sacs, ils sortent des oeufs évidés remplis d'encre et les jettent au visage du Grand Timonier. Silence soudain au milieu de la foule, désemparée par ce geste sacrilège. Une empoignade générale s'ensuit et le «service d'ordre» du mouvement étudiant accourt en ordonnant : «Arrêtez-les !» Pour les trois iconoclastes livrés à la police, c'est alors le début d'un long supplice.
Le dernier d'entre eux à se trouver encore en prison, Yu Dongyue, un journaliste et rédacteur adjoint du quotidien Liuyang Daily (et critique d'art) de 38 ans, a été libéré hier, au terme de près de dix-sept ans de détention. A force de tortures et de mauvais traitements en tout genre, l'ancien captif n'est plus qu'un légume. «Il ne me reconnaît plus et nous n'avons pas pu échanger la moindre parole», a rapporté son jeune frère, (...) «Mais il est mentalement malade et ce sera un fardeau de s'occuper de lui.» Yu avait été condamné à vingt ans de prison pour «sabotage» et «propagande contre-révolutionnaire» en août 1989, deux mois après la répression de Tiananmen (un millier de personnes tuées par l'armée - NDLR : une soixantaine de prisonniers sont encore sous les verrous).
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