Le dernier d'entre eux à se trouver encore en prison, Yu Dongyue, un journaliste et rédacteur adjoint du quotidien Liuyang Daily (et critique d'art) de 38 ans, a été libéré hier, au terme de près de dix-sept ans de détention. A force de tortures et de mauvais traitements en tout genre, l'ancien captif n'est plus qu'un légume. «Il ne me reconnaît plus et nous n'avons pas pu échanger la moindre parole», a rapporté son jeune frère, (...) «Mais il est mentalement malade et ce sera un fardeau de s'occuper de lui.» Yu avait été condamné à vingt ans de prison pour «sabotage» et «propagande contre-révolutionnaire» en août 1989, deux mois après la répression de Tiananmen (un millier de personnes tuées par l'armée - NDLR : une soixantaine de prisonniers sont encore sous les verrous).
"C’est terrible, a déclaré Corinna-Barbara Francis, qui s’occupe des recherches concernant l‘Asie orientale à Amnesty International. Yu Dongyue est peut-être enfin sorti de prison, mais seize années d’emprisonnement injuste, ponctuées de passages à tabac et d’actes de torture, et des années d’isolement cellulaire ont eu, semble-t-il, un impact profond sur sa santé mentale."
Les deux autres compagnons de Yu ont connu un destin guère plus enviable. Lu Decheng, libéré sur parole en 1998, s'est enfui de Chine en 2004 afin de faire campagne pour la libération de Yu Dongyue. Sans passeport, il est détenu en Thaïlande et la Chine demande son rapatriement. Le Canada aurait accepté de l'accueillir. Le troisième «vandale» du portrait de Mao, Yu Zhijian, libéré sur parole en 2000, aurait été arrêté la semaine dernière, après s'être joint à la grève de la faim «tournante» lancée le 2 février par des avocats chinois protestant contre les violences policières dont ils sont la cible (...).
En Chine, on ne blasphème pas impunément contre Mao, incarnation du parti et de l'Etat. Yu Dongyue l'hérétique, s'il recouvre un jour sa santé mentale, restera stigmatisé. «Il a interdiction de travailler dans une entreprise publique, à l'université, dans un journal, une société étrangère, et de parler à des journalistes», a révélé John Kamm, un Américain responsable d'une association de défense des droits des prisonniers politiques chinois, Dui Hua Foundation. Cet ancien homme d'affaires négocie depuis une quinzaine d'années, souvent avec succès, la libération de dissidents en faisant valoir aux autorités qu'elles y ont tout intérêt pour améliorer l'image déplorable de la Chine en la matière. «Yu Dongyue, explique Kamm, restera une cible pour le reste de sa vie.»
"À l’occasion de la libération de Yu Dongyue, nous demandons instamment une nouvelle fois aux autorités chinoises d’ouvrir une enquête indépendante sur la répression brutale du mouvement pro-démocratique de juin 1989, a déclaré Corinna-Barbara Francis. Les centaines de victimes des violences de cette époque n’ont toujours pas obtenu que justice leur soit rendue ; les responsables présumés de ces actes de violence doivent être inculpés et jugés."
[Sources : Amnesty International et Libé]
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