"La délégation générale pour l'armement (DGA) a notifié à EADS SPACE Transportation une commande d'un montant de 3 milliards d'euros pour la production du missile balistique M51. Le missile M51 est destiné à équiper à partir de 2010 les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération de la force océanique stratégique."
[Gaëlle Jouanjan attaché de presse de la DGA].
Plus ou moins 45 euros par français. Vous, nous, ils dépenseront 45 euros chacun pour financer un nouvel armement nucléaire tactique (les "mini-bombes" ou "mini-nukes" dont nous sommes déjà en possession de quelques exemplaires d'une valeur d'un dixième de la puissance d'Hiroshima pour les plus "petites") bombinettes qui, a l'instar de leur grande sœur (la bombe atomique "traditionnelle" dite de dissuasion, elle-même déjà contestable) sont bel et bien conçues et fabriquées pour être utilisées. Tout cela, notre Président l'a confirmé dans ces récentes allocutions [janvier 2006 > voir l'extrait de la Tribune de Brest et le discours de Jacques Chirac en suite de cet article]. Ces annonces se sont faîtes dans une indifférence notable.
[Gaëlle Jouanjan attaché de presse de la DGA].
Plus ou moins 45 euros par français. Vous, nous, ils dépenseront 45 euros chacun pour financer un nouvel armement nucléaire tactique (les "mini-bombes" ou "mini-nukes" dont nous sommes déjà en possession de quelques exemplaires d'une valeur d'un dixième de la puissance d'Hiroshima pour les plus "petites") bombinettes qui, a l'instar de leur grande sœur (la bombe atomique "traditionnelle" dite de dissuasion, elle-même déjà contestable) sont bel et bien conçues et fabriquées pour être utilisées. Tout cela, notre Président l'a confirmé dans ces récentes allocutions [janvier 2006 > voir l'extrait de la Tribune de Brest et le discours de Jacques Chirac en suite de cet article]. Ces annonces se sont faîtes dans une indifférence notable.
"L’activité industrielle générée par ce marché concerne environ 1200 emplois sur une période de 10 ans dont un millier en région Aquitaine." [suite et conclusion de ce même communiqué du 23 décembre 2004]
> Où l'on nous fait culpabiliser sur ce qu'un désarmement ou la remise en cause de ces choix stratégiques coûteraient en terme d'emplois à la France. Mais quel est le prix de ces vies que cibleront nos M51 ? Valent-elles moins que celles que ces missiles prétendent défendre ? Et comment interdire à un encombrant voisin ces inclinaisons nucléaires (l'Iran, mais aussi la Corée du Nord sont ainsi aujourd'hui montrés du doigt) en faisant de tels choix ? Car il s'agit bien ici de décisions politiques, de nos choix, de nos volontés.
"Le M51 et ce nucléaire tactique que nous finançons".
> Un dossier en cours sur Nuesblog... Et chez vous ?
Un dossier qui ne pourra pas être évité d'un revers de bras par nos candidats à la présidentielle. Messieurs, Mesdames qui aspirez à nous gouverner, prononcez-vous clairement sur cette question ! Dans un pays dont l'essentiel des médias (presse en particulier) est détenu par des fabricants d'armes, des associations comme Greenpeace en appellent aux bloggers pour enquêter, donner à penser, imposer le débat public et des prises de positions précises de nos (futurs) dirigeants. Cette situation, inédite et rocambolesque où liberté de la presse et lobby de l'armement semblent fusionner, doit nous inciter à travailler avec sérieux et détermination. Il s'agit là d'un défi à la hauteur des ambitions des "journalistes citoyens". Un défi que je vous propose de relever ensemble.
> Un dossier en cours sur Nuesblog... Et chez vous ?
Un dossier qui ne pourra pas être évité d'un revers de bras par nos candidats à la présidentielle. Messieurs, Mesdames qui aspirez à nous gouverner, prononcez-vous clairement sur cette question ! Dans un pays dont l'essentiel des médias (presse en particulier) est détenu par des fabricants d'armes, des associations comme Greenpeace en appellent aux bloggers pour enquêter, donner à penser, imposer le débat public et des prises de positions précises de nos (futurs) dirigeants. Cette situation, inédite et rocambolesque où liberté de la presse et lobby de l'armement semblent fusionner, doit nous inciter à travailler avec sérieux et détermination. Il s'agit là d'un défi à la hauteur des ambitions des "journalistes citoyens". Un défi que je vous propose de relever ensemble.
"Si nous sommes effectivement en démocratie, où est-ce que l'on coche la case > je ne souhaite pas que les impôts que je paye servent à fabriquer des armes ?" me demandait récemment un proche. Car il s'agit bien de NOS deniers, de NOS représentants, de NOS "bombinettes". "Et si je ne voulais pas, moi, donner ma voix à quiconque s'engagerait plus encore dans cette tragique direction ?" Ségolène Royal comme Nicolas Sarkozy semblent d'ailleurs en coulisse et loin de tout prosélytisme se prononcer contre ces choix. L'argent manque pour financer universités, recherche, aide aux personnes... Voilà donc bien une source de financement que ne renieront pas certains des Freemen, entre autres ! Sachez qu'il y a des dissensions sur ce projet militaire oh! combien dangereux, y compris au sein de l'armée (qui voudrait plutôt voir renforcer ses capacités "tactiques" traditionnelles).
Parce qu'il serait bien aisé de ne nous parler que d'insécurité et d'emploi lors de cette campagne, de passer sous silence des investissements aussi considérables que signifiants, fait en nos noms, Nuesblog met les pieds dans le plat. Toutes vos sources, infos et volontés d'investigations sont les bienvenues. Dossier "chaud" s'il en est.
> Pièce jointe (j'attends leur feu-vert pour la mettre en ligne) > découvrez ici le dossier de presse 2005 sur le désarmement établi par Greenpeace. Certains schémas y sont plus qu'explicites...
Download desarmement2005ok.pdf
Ci-après article de la Tribune de Brest et discourt de J.Chirac (janvier 2006)
EDIT > débat ici / Wikipédia ici / Images via EADS ici
Download desarmement2005ok.pdf
Ci-après article de la Tribune de Brest et discourt de J.Chirac (janvier 2006)
EDIT > débat ici / Wikipédia ici / Images via EADS ici
Jacques Chirac se range à la doctrine Bush de la guerre nucléaire « préventive » !
La date n'a certainement pas été choisie au hasard : il y a 10 ans presque jour pour jour, Jacques Chirac se voyait contraint de renoncer à la campagne d'essais nucléaires décidée quelques mois plus tôt, du fait d'une mobilisation sans précédent du mouvement pacifiste international. Il est vrai qu'en janvier 1996, le monde commençait enfin à toucher les « dividendes » de la fin de la guerre froide : deux décennies de désarmement nucléaire progressif, rendues possibles par l'instauration d'un mécanisme légal de coopération destiné à obtenir l'abolition complète de l'arme nucléaire, avaient convaincu l'opinion publique mondiale qu'il était urgent de renoncer à la cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de l'espèce humaine, et qui pouvait la détruire en quelques minutes. Ce mécanisme, le Traité de Non-Prolifération, la France ne devait le rejoindre que fort tardivement, en 1992 exactement, et déjà contre l'avis de Jacques Chirac. Faute de pouvoir justifier le maintien de ses armes en l'état, la France s'engageait à son tour dans une logique de désarmement, en réduisant notamment le nombre de ses sous-marins nucléaires, en fermant le plateau d'Albion, et en renonçant dans le même temps à la construction des missiles nucléaires sol-sol Hadès et Pluton.
Mais le 19 janvier dernier, par un terrible camouflet pour les pacifistes du monde entier, la population française et ses représentants, Jacques Chirac prononçait sans débat ni consultation l'avis de décès de la doctrine nucléaire française. Devant un parterre de militaires de la base nucléaire de l'Ile Longue, à Brest, il rendait officiel le ralliement de la France à la doctrine Bush, et son abandon simultané de la traditionnelle posture nucléaire gaullienne de dissuasion, fondée sur le principe de la bombe comme ultime recours, d'une part, et celui de l'indépendance stratégique, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, d'autre part.
La similitude avec la nouvelle posture nucléaire de George Bush est frappante. En juin 2002, le Président américain estimait que la « dissuasion -la promesse de représailles massives contre les nations- n'avait aucun sens face aux réseaux terroristes de l'ombre qui n'ont pas de nation ou de population à défendre. La dissuasion n'est pas possible lorsque des dictateurs déséquilibrés dotés d'armes de destruction massive sont susceptibles de mettre ces armes sur des missiles ou de les fournir en secret à des groupes terroristes amis. »[1] Reconnaissant de son côté que la France n'avait à déplorer « aucune menace directe de la part d'une puissance majeure », Jacques Chirac affirmait jeudi que le danger actuel se situait bien davantage du côté du « terrorisme » et de l'appui que celui-ci pouvait recevoir de puissances régionales secondaires.
De tels constats, que bon nombre de pacifistes pourraient faire leur, suffiraient à invalider totalement le maintien de capacités nucléaires. Pourtant, confronté à un problème, le terrorisme, qui ne devrait relever que de la plus ordinaire coopération policière internationale, les dirigeants de ce qu'il faut bien appeler un nouvel axe du mal nucléaire décident d'adapter leurs armements nucléaires à la possibilité de frappes ciblées contre des pays qui ne les menacent pas directement et ne sont pas dotées d'armes nucléaires. En 2002, George Bush écrivait que la possibilité d'attaques nucléaires flexibles, tant « du point de vue de leur échelle, de leur ampleur que de leur objectif » viendrait désormais compléter la panoplie des armes conventionnelles existantes. De la même façon, Jacques Chirac officialisait à Brest le vaste programme d'adaptation des armes nucléaires françaises en cours.
Ce programme d'adaptation, que dénonçait déjà Greenpeace lors de la dernière Conférence de Révision du Traité de Non-Prolifération, en mai dernier, vise à réduire la puissance des têtes nucléaires (un dixième de la puissance de la bombe d'Hiroshima en l'état actuel de la technologie nucléaire, c'est-à-dire tant que le Laser Magajoule à Bordeaux n'aura pas commencé à produire des résultats applicables aux armes actuelles), augmenter la portée et la précision des missiles intercontinentaux embarqués sur les sous-marins de la Force Océanique Stratégique, ainsi que leur flexibilité, en leur permettant de n'emporter le cas échéant qu'une seule tête nucléaire au lieu de 6 pour des frappes de chantage ou d'avertissement. En autorisant ainsi des frappes plus ciblées aux dommages moins spectaculaires que ceux des explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, cette adaptation rendra plus acceptable dans l'opinion, et donc enfin possible, l'utilisation offensive de l'arme nucléaire. Ce qu'expliquait doctement Jacques Chirac en évoquant l'ouverture d'une troisième option entre le non-emploi et les frappes d'anéantissement définitif d'un adversaire. A l'instar d'un Tony Blair, qui a rendu les missiles Trident « sous-stratégiques », la France a donc souhaité se donner la possibilité d'opérer des frappes nucléaires limitées contre « les centres de pouvoir et les capacités d'agir » de telle ou telle puissance régionale qui viendrait à menacer ses intérêts vitaux.
Des intérêts vitaux qui n'avaient jusque-là jamais fait l'objet d'une définition officielle, la doctrine française cherchant à dissuader au mieux sans pour autant vouloir se lier par des mots, afin de pouvoir renoncer au feu nucléaire sans se dédire. Depuis quelques jours, nos intérêts vitaux se trouvent très clairement définis, et largement étendus. La France s'autorise désormais à déclencher des frappes nucléaires contre un pays qui menacerait non seulement son territoire, sa population et sa souveraineté, mais également ses sources d'approvisionnement stratégiques -comprenez le pétrole- et ses alliés, ou qui prétendrait (à moins que cela ne soit la France qui le prétende !) exercer un quelconque chantage terroriste. Gageons que l'Iran, mais aussi peut-être, le Venezuela, puissances régionales qui ont en commun de soutenir des mouvements armés infra-étatiques et de posséder des réserves pétrolières indispensables au fonctionnement des économies occidentales, et qui à ce titre font régulièrement l'objet de menaces de la part des Etats-Unis, auront compris le message, et qu'ils n'auront de cesse, si ce n'était déjà le cas, de se doter des capacités militaires leur permettant de dissuader justement ce type d'attaque.
Cet alignement de la doctrine nucléaire française sur les Etats-Unis et la Grande-Bretagne est extrêmement dangereux. Par le mépris qu'il manifeste pour le Traité de Non-Prolifération, il encourage les autres Etats-membres à s'affranchir à leur tour de leurs obligations envers lui. De son côté, la nouvelle doctrine menace ouvertement un certain nombre de puissances régionales et les incite en conséquence à se doter des moyens nucléaires qui pourront seuls les protéger des frappes nucléaires « préventives » de l'Occident. Elle représente donc un encouragement fort à cette prolifération de la bombe et des vecteurs que dénoncent MM. Bush, Blair et Chirac. Il est vrai que ceux-ci font mine d'ignorer la responsabilité immense de leurs pays dans la prolifération des vecteurs comme des armes nucléaires de ces quarante dernières années. Si l'Iran est aujourd'hui en mesure de se doter de la bombe, c'est d'abord parce que la France et les Etats-Unis ont consenti à lui céder, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les technologies, savoirs et matières nucléaires indispensables à son actuel programme d'enrichissement d'uranium. Il faudra dire un jour les responsabilités prises par les dirigeants occidentaux, et l'industrie nucléaire, dans la diffusion de technologies nucléaires prétendument civiles, mais dont on sait quelles sont en réalité parfaitement duales, et par conséquent incontestablement proliférantes.
En plus d'être dangereuse, cette nouvelle doctrine nucléaire française est totalement illégitime. Doit-on rappeler que l'arme nucléaire n'est en aucun cas une arme comme les autres, parce qu'elle tue en masse, s'apparentant de la sorte aux crimes contre l'humanité, qu'elle tue de manière indiscriminée civils et militaires, ce qui la rend illégale au nom de la Convention de Genève, et qu'elle continue de tuer longtemps après la fin du conflit du fait de la radioactivité induite, et que pour toutes ces raisons elle fut déclarée contraire au droit international humanitaire et condamnée comme illégale par la Cour Internationale de Justice en juillet 1996 ? En cherchant à rendre son usage plus acceptable de l'opinion publique, 60 ans après Hiroshima, on prépare les futures holocaustes nucléaires qui verront des populations civiles frappées dans leur chair parce que les richesses de leur territoire auront été jugées essentielles, et que leur régime aura déplu au nouvel axe du mal nucléaire. En l'absence totale de menace internationale, une poignée d'Etats-voyous forment aujourd'hui un nouvel axe du mal nucléaire qui organise la banalisation de la seule arme de destruction massive qui soit, au nom d'intérêts énergétiques et de puissance bien éloignés de ceux de leurs populations.
Nous demandons l'envoi immédiat d'inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique sur les sites nucléaires militaires de Brest (Ile Longue), Dijon (Valduc), Bordeaux (Laser Mégajoule), afin qu'ils puissent constater la violation par la France du Traité de Non-Prolifération et notamment de son article 6. Nous demandons l'abandon définitif du programme de construction du super-missile sous-stratégique M51, dont le principe, la puissance, et la flexibilité en font une menace permanente sur les pays du Sud, et pour cette raison, une incitation intolérable à la course aux armements nucléaires en plus d'une violation du TNP.
Nous demandons enfin que les sommes colossales imputées à ce programme du M51, qui s'élèvent à ce jour à plus de 15 milliards d'euros, soient réaffectées vers des dépenses destinées à favoriser la paix dans le monde. Au nombre de ces dépenses socialement utiles, l'adoption immédiate d'une politique ambitieuse en faveur des énergies renouvelables serait de nature à réduire considérablement les tensions croissantes qui se font jour autour de l'approvisionnement énergétique des grandes puissances : lorsque le monde tirera comme bientôt l'Allemagne, le Danemark, ou la Chine, l'essentiel de ses ressources énergétiques du vent, du soleil ou de la biomasse, c'est-à-dire de sources énergétiques durables, démocratiques, peu coûteuses et fortement créatrices d'emplois, les grandes puissances cesseront de considérer les populations du Sud comme des « dommages collatéraux » acceptables.
EXTRAIT DU DISCOURS DE JACQUES CHIRAC A L'ILE LONGUE (Brest, le 19.01.2006) :
« Avec la fin de la guerre froide, nous ne faisons actuellement l'objet d'aucune menace directe de la part d'une puissance majeure, c'est vrai. Mais la fin du monde bipolaire n'a pas fait disparaître les menaces contre la paix. Dans de nombreux pays se diffusent des idées radicales prônant la confrontation des civilisations, des cultures, des religions. Aujourd'hui, cette volonté de confrontation se traduit par des attentats odieux, qui viennent régulièrement nous rappeler que le fanatisme et l'intolérance mènent à toutes les folies. Demain, elle pourrait prendre d'autres formes, encore plus graves et, peut-être, impliquer des Etats.
La lutte contre le terrorisme est l'une de nos priorités. Nous avons pris un grand nombre de mesures et de dispositions pour répondre à ce danger. Nous continuerons sur cette voie, avec fermeté et détermination. Mais il ne faut pas céder à la tentation de limiter l'ensemble des problématiques de défense et de sécurité à ce nécessaire combat contre le terrorisme. Ce n'est pas parce qu'une nouvelle menace apparaît qu'elle fait disparaître toutes les autres.
Notre monde est en constante évolution, à la recherche de nouveaux équilibres politiques, économiques, démographiques, militaires. Il est caractérisé par l'émergence rapide de nouveaux pôles de puissance. Il est confronté à l'apparition de nouvelles sources de déséquilibres : le partage des matières premières, la distribution des ressources naturelles, l'évolution des équilibres démographiques notamment. Cette évolution pourrait être cause d'instabilité, surtout si elle devait s'accompagner d'une montée des nationalismes.
Certes, il n'y a aucune fatalité à voir, dans un futur prochain, la relation entre les différents pôles de puissance sombrer dans l'hostilité. C'est d'ailleurs pour prévenir ce danger que nous devons œuvrer à un ordre international fondé sur la règle de droit et sur la sécurité collective, sur un ordre plus juste, plus représentatif. Que nous devons aussi engager tous nos grands partenaires à faire le choix de la coopération plutôt que celui de la confrontation. Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre Histoire nous l'enseigne.
Notre monde est également marqué par l'apparition d'affirmations de puissance qui reposent sur la possession d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques. D'où la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire, et ceci en contravention avec les traités [pourquoi leur vendre les technologies nucléaires qui leur permettent justement cela ?]. Des essais de missiles balistiques, dont la portée ne cesse d'augmenter, se multiplient partout dans le monde [idem, c'est encore nous qui leur vendons de quoi construire leurs missiles, ou qui leur vendons les avions]. C'est ce constat qui a conduit le Conseil de Sécurité des Nations Unies à reconnaître que la prolifération des armes de destruction massive, et de leurs vecteurs associés, constituait une menace réelle pour la paix et pour la sécurité internationale.
Enfin, il ne faut pas ignorer la persistance des risques plus traditionnels d'instabilité régionale. Il existe, malheureusement, partout dans le monde des risques de telle nature.
Face aux crises qui secouent le monde, face aux nouvelles menaces, la France a toujours choisi, d'abord, la voie de la prévention. Celle-ci demeure, sous toutes ses formes, le socle même de notre politique de défense. S'appuyant sur le droit, l'influence et la solidarité, la prévention passe par l'ensemble des actions de notre diplomatie qui, sans cesse, s'efforce de dénouer les crises qui peuvent naître ici ou là. Elle passe aussi par toute une gamme de postures relevant des domaines de la défense et de la sécurité, au premier rang desquelles se trouvent les forces prépositionnées.
Mais ce serait faire preuve d'angélisme que de croire que la prévention, seule, suffit à nous protéger. Pour être entendus, il faut aussi, lorsque c'est nécessaire, être capable de faire usage de la force. Nous devons donc disposer d'une capacité importante à intervenir en dehors de nos frontières, avec des moyens conventionnels, afin de soutenir et de compléter cette stratégie.
Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis. C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. Elle en constitue l'expression ultime.
Face aux inquiétudes du présent et aux incertitudes du futur, la dissuasion nucléaire demeure la garantie fondamentale de notre sécurité. Elle nous donne également, d'où que puissent venir les pressions, le pouvoir d'être maîtres de nos actions, de notre politique, de la pérennité de nos valeurs démocratiques.
Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Mais nous ne pourrons évidemment avancer sur la voie du désarmement que si les conditions de notre sécurité globale sont maintenues et si la volonté de progresser est unanimement partagée.
C'est dans cet esprit que la France a maintenu ses forces de dissuasion, tout en les réduisant, conformément à l'esprit du traité de non-prolifération et au respect du principe de stricte suffisance.
C'est la responsabilité du chef de l'Etat d'apprécier, en permanence, la limite de nos intérêts vitaux. L'incertitude de cette limite est consubstantielle à la doctrine de dissuasion.
L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger. Il appartiendrait au Président de la République d'apprécier l'ampleur et les conséquences potentielles d'une agression, d'une menace ou d'un chantage insupportables à l'encontre de ces intérêts. Cette analyse pourrait, le cas échéant, conduire à considérer qu'ils entrent dans le champ de nos intérêts vitaux.
La dissuasion nucléaire, je l'avais souligné au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, n'est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques. Pour autant, les dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature.
Depuis ses origines, la dissuasion n'a jamais cessé de s'adapter à notre environnement et à l'analyse des menaces que je viens de rappeler. Et ceci, dans son esprit, comme dans ses moyens. Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins.
Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. [Il vient de dire le contraire !] C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en oeuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants [et leurs populations] animés d'intentions hostiles à notre égard. Elle est essentielle pour les ramener à la raison, pour leur faire prendre conscience du coût démesuré qu'auraient leurs actes, pour eux-mêmes et pour leurs Etats. Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement [l'arme nucléaire comme ultime avertissement = on prend des populations en otage] pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.
Ainsi, les principes qui sous-tendent notre doctrine de dissuasion n'ont pas changé. Mais ses modalités d'expression ont évolué, et continuent d'évoluer, pour nous permettre de faire face au contexte du XXIe siècle.
Constamment adaptés à leurs nouvelles missions, les moyens mis en œuvre par les composantes océanique et aéroportée permettent d'apporter une réponse cohérente à nos préoccupations. Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l'Etat dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées.
La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue.
Il serait irresponsable d'imaginer que le maintien de notre arsenal actuel pourrait, après tout, suffire. Que deviendrait la crédibilité de notre dissuasion si elle ne nous permettait pas de répondre aux nouvelles situations ? Quelle crédibilité aurait-elle vis à vis de puissances régionales si nous en étions restés strictement à une menace d'anéantissement total? Quelle crédibilité aurait, dans le futur, une arme balistique [tirée comme une balle = les missiles M45 actuels et les futurs M51, tous tirés des sous-marins] dont le rayon d'action serait limité? Ainsi, le M51, grâce à sa portée intercontinentale, et l'ASMPA [les bombes nucléaires aéroportées] nous donneront, dans un monde incertain, les moyens de couvrir les menaces d'où qu'elles viennent et quelles qu'elles soient. [on vise donc des puissances régionales, qui n'ont pas nécessairement la bombe, et que l'on pourrait réduire par la supériorité écrasante de nos forces conventionnelles]
De même, nul ne peut prétendre qu'une défense anti-missiles suffit à contrer la menace représentée par des missiles balistiques. Aucun système défensif, aussi sophistiqué soit-il, ne peut être efficace à 100%. Nous n'aurons jamais la garantie qu'il ne pourra être contourné. Fonder toute notre défense sur cette unique capacité inviterait, en réalité, nos adversaires à trouver d'autres moyens pour mettre en œuvre leurs armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Un tel outil ne peut donc être considéré comme un substitut de la dissuasion. Mais il peut la compléter en diminuant nos vulnérabilités. C'est pourquoi la France s'est résolument engagée dans une réflexion commune, au sein de l'Alliance atlantique, et développe son propre programme d'autoprotection des forces déployées.
La sécurité de notre pays et son indépendance ont un coût. Il y a quarante ans, la part d'investissements du ministère de la Défense consacrée aux forces nucléaires était de 50%. Depuis, cette part a constamment été réduite et ne devrait représenter en 2008 que 18% des investissements. Aujourd'hui, dans l'esprit de stricte suffisance qui la caractérise, notre politique de dissuasion représente globalement moins de 10% du budget total de la Défense. Les crédits qui lui sont consacrés portent sur des techniques de pointe et soutiennent massivement et essentiellement l'effort de recherche scientifique, technologique et industriel de notre pays.
En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité. Les pays de l'Union ont, d'ailleurs, commencé à réfléchir ensemble, à ce que sont, ou ce que seront, leurs intérêts de sécurité communs. Et je souhaite que cette réflexion s'approfondisse, c'est une première et nécessaire étape.
[1] > Discours de G. Bush du 1er juin 2002 see http://www.globalsecurity.org/military/library/news/2002/06/mil-020601-usia01b.htm
La date n'a certainement pas été choisie au hasard : il y a 10 ans presque jour pour jour, Jacques Chirac se voyait contraint de renoncer à la campagne d'essais nucléaires décidée quelques mois plus tôt, du fait d'une mobilisation sans précédent du mouvement pacifiste international. Il est vrai qu'en janvier 1996, le monde commençait enfin à toucher les « dividendes » de la fin de la guerre froide : deux décennies de désarmement nucléaire progressif, rendues possibles par l'instauration d'un mécanisme légal de coopération destiné à obtenir l'abolition complète de l'arme nucléaire, avaient convaincu l'opinion publique mondiale qu'il était urgent de renoncer à la cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de l'espèce humaine, et qui pouvait la détruire en quelques minutes. Ce mécanisme, le Traité de Non-Prolifération, la France ne devait le rejoindre que fort tardivement, en 1992 exactement, et déjà contre l'avis de Jacques Chirac. Faute de pouvoir justifier le maintien de ses armes en l'état, la France s'engageait à son tour dans une logique de désarmement, en réduisant notamment le nombre de ses sous-marins nucléaires, en fermant le plateau d'Albion, et en renonçant dans le même temps à la construction des missiles nucléaires sol-sol Hadès et Pluton.
Mais le 19 janvier dernier, par un terrible camouflet pour les pacifistes du monde entier, la population française et ses représentants, Jacques Chirac prononçait sans débat ni consultation l'avis de décès de la doctrine nucléaire française. Devant un parterre de militaires de la base nucléaire de l'Ile Longue, à Brest, il rendait officiel le ralliement de la France à la doctrine Bush, et son abandon simultané de la traditionnelle posture nucléaire gaullienne de dissuasion, fondée sur le principe de la bombe comme ultime recours, d'une part, et celui de l'indépendance stratégique, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, d'autre part.
La similitude avec la nouvelle posture nucléaire de George Bush est frappante. En juin 2002, le Président américain estimait que la « dissuasion -la promesse de représailles massives contre les nations- n'avait aucun sens face aux réseaux terroristes de l'ombre qui n'ont pas de nation ou de population à défendre. La dissuasion n'est pas possible lorsque des dictateurs déséquilibrés dotés d'armes de destruction massive sont susceptibles de mettre ces armes sur des missiles ou de les fournir en secret à des groupes terroristes amis. »[1] Reconnaissant de son côté que la France n'avait à déplorer « aucune menace directe de la part d'une puissance majeure », Jacques Chirac affirmait jeudi que le danger actuel se situait bien davantage du côté du « terrorisme » et de l'appui que celui-ci pouvait recevoir de puissances régionales secondaires.
De tels constats, que bon nombre de pacifistes pourraient faire leur, suffiraient à invalider totalement le maintien de capacités nucléaires. Pourtant, confronté à un problème, le terrorisme, qui ne devrait relever que de la plus ordinaire coopération policière internationale, les dirigeants de ce qu'il faut bien appeler un nouvel axe du mal nucléaire décident d'adapter leurs armements nucléaires à la possibilité de frappes ciblées contre des pays qui ne les menacent pas directement et ne sont pas dotées d'armes nucléaires. En 2002, George Bush écrivait que la possibilité d'attaques nucléaires flexibles, tant « du point de vue de leur échelle, de leur ampleur que de leur objectif » viendrait désormais compléter la panoplie des armes conventionnelles existantes. De la même façon, Jacques Chirac officialisait à Brest le vaste programme d'adaptation des armes nucléaires françaises en cours.
Ce programme d'adaptation, que dénonçait déjà Greenpeace lors de la dernière Conférence de Révision du Traité de Non-Prolifération, en mai dernier, vise à réduire la puissance des têtes nucléaires (un dixième de la puissance de la bombe d'Hiroshima en l'état actuel de la technologie nucléaire, c'est-à-dire tant que le Laser Magajoule à Bordeaux n'aura pas commencé à produire des résultats applicables aux armes actuelles), augmenter la portée et la précision des missiles intercontinentaux embarqués sur les sous-marins de la Force Océanique Stratégique, ainsi que leur flexibilité, en leur permettant de n'emporter le cas échéant qu'une seule tête nucléaire au lieu de 6 pour des frappes de chantage ou d'avertissement. En autorisant ainsi des frappes plus ciblées aux dommages moins spectaculaires que ceux des explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, cette adaptation rendra plus acceptable dans l'opinion, et donc enfin possible, l'utilisation offensive de l'arme nucléaire. Ce qu'expliquait doctement Jacques Chirac en évoquant l'ouverture d'une troisième option entre le non-emploi et les frappes d'anéantissement définitif d'un adversaire. A l'instar d'un Tony Blair, qui a rendu les missiles Trident « sous-stratégiques », la France a donc souhaité se donner la possibilité d'opérer des frappes nucléaires limitées contre « les centres de pouvoir et les capacités d'agir » de telle ou telle puissance régionale qui viendrait à menacer ses intérêts vitaux.
Des intérêts vitaux qui n'avaient jusque-là jamais fait l'objet d'une définition officielle, la doctrine française cherchant à dissuader au mieux sans pour autant vouloir se lier par des mots, afin de pouvoir renoncer au feu nucléaire sans se dédire. Depuis quelques jours, nos intérêts vitaux se trouvent très clairement définis, et largement étendus. La France s'autorise désormais à déclencher des frappes nucléaires contre un pays qui menacerait non seulement son territoire, sa population et sa souveraineté, mais également ses sources d'approvisionnement stratégiques -comprenez le pétrole- et ses alliés, ou qui prétendrait (à moins que cela ne soit la France qui le prétende !) exercer un quelconque chantage terroriste. Gageons que l'Iran, mais aussi peut-être, le Venezuela, puissances régionales qui ont en commun de soutenir des mouvements armés infra-étatiques et de posséder des réserves pétrolières indispensables au fonctionnement des économies occidentales, et qui à ce titre font régulièrement l'objet de menaces de la part des Etats-Unis, auront compris le message, et qu'ils n'auront de cesse, si ce n'était déjà le cas, de se doter des capacités militaires leur permettant de dissuader justement ce type d'attaque.
Cet alignement de la doctrine nucléaire française sur les Etats-Unis et la Grande-Bretagne est extrêmement dangereux. Par le mépris qu'il manifeste pour le Traité de Non-Prolifération, il encourage les autres Etats-membres à s'affranchir à leur tour de leurs obligations envers lui. De son côté, la nouvelle doctrine menace ouvertement un certain nombre de puissances régionales et les incite en conséquence à se doter des moyens nucléaires qui pourront seuls les protéger des frappes nucléaires « préventives » de l'Occident. Elle représente donc un encouragement fort à cette prolifération de la bombe et des vecteurs que dénoncent MM. Bush, Blair et Chirac. Il est vrai que ceux-ci font mine d'ignorer la responsabilité immense de leurs pays dans la prolifération des vecteurs comme des armes nucléaires de ces quarante dernières années. Si l'Iran est aujourd'hui en mesure de se doter de la bombe, c'est d'abord parce que la France et les Etats-Unis ont consenti à lui céder, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les technologies, savoirs et matières nucléaires indispensables à son actuel programme d'enrichissement d'uranium. Il faudra dire un jour les responsabilités prises par les dirigeants occidentaux, et l'industrie nucléaire, dans la diffusion de technologies nucléaires prétendument civiles, mais dont on sait quelles sont en réalité parfaitement duales, et par conséquent incontestablement proliférantes.
En plus d'être dangereuse, cette nouvelle doctrine nucléaire française est totalement illégitime. Doit-on rappeler que l'arme nucléaire n'est en aucun cas une arme comme les autres, parce qu'elle tue en masse, s'apparentant de la sorte aux crimes contre l'humanité, qu'elle tue de manière indiscriminée civils et militaires, ce qui la rend illégale au nom de la Convention de Genève, et qu'elle continue de tuer longtemps après la fin du conflit du fait de la radioactivité induite, et que pour toutes ces raisons elle fut déclarée contraire au droit international humanitaire et condamnée comme illégale par la Cour Internationale de Justice en juillet 1996 ? En cherchant à rendre son usage plus acceptable de l'opinion publique, 60 ans après Hiroshima, on prépare les futures holocaustes nucléaires qui verront des populations civiles frappées dans leur chair parce que les richesses de leur territoire auront été jugées essentielles, et que leur régime aura déplu au nouvel axe du mal nucléaire. En l'absence totale de menace internationale, une poignée d'Etats-voyous forment aujourd'hui un nouvel axe du mal nucléaire qui organise la banalisation de la seule arme de destruction massive qui soit, au nom d'intérêts énergétiques et de puissance bien éloignés de ceux de leurs populations.
Nous demandons l'envoi immédiat d'inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique sur les sites nucléaires militaires de Brest (Ile Longue), Dijon (Valduc), Bordeaux (Laser Mégajoule), afin qu'ils puissent constater la violation par la France du Traité de Non-Prolifération et notamment de son article 6. Nous demandons l'abandon définitif du programme de construction du super-missile sous-stratégique M51, dont le principe, la puissance, et la flexibilité en font une menace permanente sur les pays du Sud, et pour cette raison, une incitation intolérable à la course aux armements nucléaires en plus d'une violation du TNP.
Nous demandons enfin que les sommes colossales imputées à ce programme du M51, qui s'élèvent à ce jour à plus de 15 milliards d'euros, soient réaffectées vers des dépenses destinées à favoriser la paix dans le monde. Au nombre de ces dépenses socialement utiles, l'adoption immédiate d'une politique ambitieuse en faveur des énergies renouvelables serait de nature à réduire considérablement les tensions croissantes qui se font jour autour de l'approvisionnement énergétique des grandes puissances : lorsque le monde tirera comme bientôt l'Allemagne, le Danemark, ou la Chine, l'essentiel de ses ressources énergétiques du vent, du soleil ou de la biomasse, c'est-à-dire de sources énergétiques durables, démocratiques, peu coûteuses et fortement créatrices d'emplois, les grandes puissances cesseront de considérer les populations du Sud comme des « dommages collatéraux » acceptables.
EXTRAIT DU DISCOURS DE JACQUES CHIRAC A L'ILE LONGUE (Brest, le 19.01.2006) :
« Avec la fin de la guerre froide, nous ne faisons actuellement l'objet d'aucune menace directe de la part d'une puissance majeure, c'est vrai. Mais la fin du monde bipolaire n'a pas fait disparaître les menaces contre la paix. Dans de nombreux pays se diffusent des idées radicales prônant la confrontation des civilisations, des cultures, des religions. Aujourd'hui, cette volonté de confrontation se traduit par des attentats odieux, qui viennent régulièrement nous rappeler que le fanatisme et l'intolérance mènent à toutes les folies. Demain, elle pourrait prendre d'autres formes, encore plus graves et, peut-être, impliquer des Etats.
La lutte contre le terrorisme est l'une de nos priorités. Nous avons pris un grand nombre de mesures et de dispositions pour répondre à ce danger. Nous continuerons sur cette voie, avec fermeté et détermination. Mais il ne faut pas céder à la tentation de limiter l'ensemble des problématiques de défense et de sécurité à ce nécessaire combat contre le terrorisme. Ce n'est pas parce qu'une nouvelle menace apparaît qu'elle fait disparaître toutes les autres.
Notre monde est en constante évolution, à la recherche de nouveaux équilibres politiques, économiques, démographiques, militaires. Il est caractérisé par l'émergence rapide de nouveaux pôles de puissance. Il est confronté à l'apparition de nouvelles sources de déséquilibres : le partage des matières premières, la distribution des ressources naturelles, l'évolution des équilibres démographiques notamment. Cette évolution pourrait être cause d'instabilité, surtout si elle devait s'accompagner d'une montée des nationalismes.
Certes, il n'y a aucune fatalité à voir, dans un futur prochain, la relation entre les différents pôles de puissance sombrer dans l'hostilité. C'est d'ailleurs pour prévenir ce danger que nous devons œuvrer à un ordre international fondé sur la règle de droit et sur la sécurité collective, sur un ordre plus juste, plus représentatif. Que nous devons aussi engager tous nos grands partenaires à faire le choix de la coopération plutôt que celui de la confrontation. Mais nous ne sommes à l'abri, ni d'un retournement imprévu du système international, ni d'une surprise stratégique. Toute notre Histoire nous l'enseigne.
Notre monde est également marqué par l'apparition d'affirmations de puissance qui reposent sur la possession d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques. D'où la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire, et ceci en contravention avec les traités [pourquoi leur vendre les technologies nucléaires qui leur permettent justement cela ?]. Des essais de missiles balistiques, dont la portée ne cesse d'augmenter, se multiplient partout dans le monde [idem, c'est encore nous qui leur vendons de quoi construire leurs missiles, ou qui leur vendons les avions]. C'est ce constat qui a conduit le Conseil de Sécurité des Nations Unies à reconnaître que la prolifération des armes de destruction massive, et de leurs vecteurs associés, constituait une menace réelle pour la paix et pour la sécurité internationale.
Enfin, il ne faut pas ignorer la persistance des risques plus traditionnels d'instabilité régionale. Il existe, malheureusement, partout dans le monde des risques de telle nature.
Face aux crises qui secouent le monde, face aux nouvelles menaces, la France a toujours choisi, d'abord, la voie de la prévention. Celle-ci demeure, sous toutes ses formes, le socle même de notre politique de défense. S'appuyant sur le droit, l'influence et la solidarité, la prévention passe par l'ensemble des actions de notre diplomatie qui, sans cesse, s'efforce de dénouer les crises qui peuvent naître ici ou là. Elle passe aussi par toute une gamme de postures relevant des domaines de la défense et de la sécurité, au premier rang desquelles se trouvent les forces prépositionnées.
Mais ce serait faire preuve d'angélisme que de croire que la prévention, seule, suffit à nous protéger. Pour être entendus, il faut aussi, lorsque c'est nécessaire, être capable de faire usage de la force. Nous devons donc disposer d'une capacité importante à intervenir en dehors de nos frontières, avec des moyens conventionnels, afin de soutenir et de compléter cette stratégie.
Une telle politique de défense repose sur la certitude que, quoiqu'il arrive, nos intérêts vitaux seront garantis. C'est le rôle attribué à la dissuasion nucléaire qui s'inscrit dans la continuité directe de notre stratégie de prévention. Elle en constitue l'expression ultime.
Face aux inquiétudes du présent et aux incertitudes du futur, la dissuasion nucléaire demeure la garantie fondamentale de notre sécurité. Elle nous donne également, d'où que puissent venir les pressions, le pouvoir d'être maîtres de nos actions, de notre politique, de la pérennité de nos valeurs démocratiques.
Dans le même temps, nous continuons à soutenir les efforts internationaux en faveur du désarmement général et complet, et, en particulier, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Mais nous ne pourrons évidemment avancer sur la voie du désarmement que si les conditions de notre sécurité globale sont maintenues et si la volonté de progresser est unanimement partagée.
C'est dans cet esprit que la France a maintenu ses forces de dissuasion, tout en les réduisant, conformément à l'esprit du traité de non-prolifération et au respect du principe de stricte suffisance.
C'est la responsabilité du chef de l'Etat d'apprécier, en permanence, la limite de nos intérêts vitaux. L'incertitude de cette limite est consubstantielle à la doctrine de dissuasion.
L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas. La perception de ces intérêts évolue au rythme du monde, un monde marqué par l'interdépendance croissante des pays européens et aussi par les effets de la mondialisation. Par exemple, la garantie de nos approvisionnements stratégiques ou la défense de pays alliés, sont, parmi d'autres, des intérêts qu'il convient de protéger. Il appartiendrait au Président de la République d'apprécier l'ampleur et les conséquences potentielles d'une agression, d'une menace ou d'un chantage insupportables à l'encontre de ces intérêts. Cette analyse pourrait, le cas échéant, conduire à considérer qu'ils entrent dans le champ de nos intérêts vitaux.
La dissuasion nucléaire, je l'avais souligné au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, n'est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques. Pour autant, les dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature.
Depuis ses origines, la dissuasion n'a jamais cessé de s'adapter à notre environnement et à l'analyse des menaces que je viens de rappeler. Et ceci, dans son esprit, comme dans ses moyens. Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins.
Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. [Il vient de dire le contraire !] C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en oeuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants [et leurs populations] animés d'intentions hostiles à notre égard. Elle est essentielle pour les ramener à la raison, pour leur faire prendre conscience du coût démesuré qu'auraient leurs actes, pour eux-mêmes et pour leurs Etats. Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement [l'arme nucléaire comme ultime avertissement = on prend des populations en otage] pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.
Ainsi, les principes qui sous-tendent notre doctrine de dissuasion n'ont pas changé. Mais ses modalités d'expression ont évolué, et continuent d'évoluer, pour nous permettre de faire face au contexte du XXIe siècle.
Constamment adaptés à leurs nouvelles missions, les moyens mis en œuvre par les composantes océanique et aéroportée permettent d'apporter une réponse cohérente à nos préoccupations. Grâce à ces deux composantes, différentes et complémentaires, le chef de l'Etat dispose d'options multiples, couvrant toutes les menaces identifiées.
La modernisation et l'adaptation de ces capacités sont donc tout à fait nécessaires. Notre dissuasion doit conserver son indispensable crédibilité dans un environnement géographique qui évolue.
Il serait irresponsable d'imaginer que le maintien de notre arsenal actuel pourrait, après tout, suffire. Que deviendrait la crédibilité de notre dissuasion si elle ne nous permettait pas de répondre aux nouvelles situations ? Quelle crédibilité aurait-elle vis à vis de puissances régionales si nous en étions restés strictement à une menace d'anéantissement total? Quelle crédibilité aurait, dans le futur, une arme balistique [tirée comme une balle = les missiles M45 actuels et les futurs M51, tous tirés des sous-marins] dont le rayon d'action serait limité? Ainsi, le M51, grâce à sa portée intercontinentale, et l'ASMPA [les bombes nucléaires aéroportées] nous donneront, dans un monde incertain, les moyens de couvrir les menaces d'où qu'elles viennent et quelles qu'elles soient. [on vise donc des puissances régionales, qui n'ont pas nécessairement la bombe, et que l'on pourrait réduire par la supériorité écrasante de nos forces conventionnelles]
De même, nul ne peut prétendre qu'une défense anti-missiles suffit à contrer la menace représentée par des missiles balistiques. Aucun système défensif, aussi sophistiqué soit-il, ne peut être efficace à 100%. Nous n'aurons jamais la garantie qu'il ne pourra être contourné. Fonder toute notre défense sur cette unique capacité inviterait, en réalité, nos adversaires à trouver d'autres moyens pour mettre en œuvre leurs armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Un tel outil ne peut donc être considéré comme un substitut de la dissuasion. Mais il peut la compléter en diminuant nos vulnérabilités. C'est pourquoi la France s'est résolument engagée dans une réflexion commune, au sein de l'Alliance atlantique, et développe son propre programme d'autoprotection des forces déployées.
La sécurité de notre pays et son indépendance ont un coût. Il y a quarante ans, la part d'investissements du ministère de la Défense consacrée aux forces nucléaires était de 50%. Depuis, cette part a constamment été réduite et ne devrait représenter en 2008 que 18% des investissements. Aujourd'hui, dans l'esprit de stricte suffisance qui la caractérise, notre politique de dissuasion représente globalement moins de 10% du budget total de la Défense. Les crédits qui lui sont consacrés portent sur des techniques de pointe et soutiennent massivement et essentiellement l'effort de recherche scientifique, technologique et industriel de notre pays.
En outre, le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, l'imbrication croissante des intérêts des pays de l'Union européenne, la solidarité qui existe désormais entre eux, font de la dissuasion nucléaire française, par sa seule existence, un élément incontournable de la sécurité du continent européen. En 1995, la France avait émis l'idée ambitieuse d'une dissuasion concertée afin d'initier une réflexion européenne sur le sujet. Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser la question d'une Défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d'une Europe forte, responsable de sa sécurité. Les pays de l'Union ont, d'ailleurs, commencé à réfléchir ensemble, à ce que sont, ou ce que seront, leurs intérêts de sécurité communs. Et je souhaite que cette réflexion s'approfondisse, c'est une première et nécessaire étape.
[1] > Discours de G. Bush du 1er juin 2002 see http://www.globalsecurity.org/military/library/news/2002/06/mil-020601-usia01b.htm
C'est tout simplement hallucinant.
Qu'on puisse faire de tels choix, d'une part.
Qu'on puisse les faire sans demander clairement leur avis aux citoyens, d'autre part.
Un ami me demandait récemment (nous parlions de la presse et des marchands d'armes) s'il y avait des "preuves" de l'impact de ces liaisons dangereuses.
Je lui ai répondu qu'il n'y avait pas de "preuves" mais des absences. En voila une colossale...
Merci de donner de la lumière à ce dossier.
Rédigé par : Casabaldi | jeudi 13 avril 2006 à 11:54
Merci d'avoir fait passer ces infos si rares sur votre blog, les gens sont tellement peu au courant de ce qu'on prépare en leur nom, et avec leur argent ! On peut encore arrêter les futures "frappes nucléaires préventives" , vrais crimes nucléaires, que promettent Chirac et Bush, ainsi que Blair d'ailleurs. Il faut que le programme du missile M-51 soit stoppé à la faveur de l'élection présidentielle. Mobilisez vous, faîtes circuler l'info sur les forums internet, on peut encore empêcher tout ça en France !
Xavier (Greenpeace)
Rédigé par : Renou | jeudi 13 avril 2006 à 12:20
Cet article est également sur Bellaciao, Fuzz, Nuouz, Wikio, ChampG et sera ce soir proposé sur Agoravox.
J'espère que les débats en seront riches et les répercutions multiples. Je reviens dessus dans les jours à venir. Ravi de constater que cette discussion fait plus que des ronds dans l'eau...
Rédigé par : Nicolas | jeudi 13 avril 2006 à 15:19
Le discours de Chirac porte sur des perspectives terrifiantes, de la banalisation de l'utilisation de l'arme nucléaire. On peu comprendre que cela puisse susciter de nombreuses réactions a l'encontre d'un tel projet. Mais, quand on voit que l'Iran possedera un jour ou l'autre des armes nucléaires, que leurs ingénieurs construisent dans leur bunkers a plus de 100m de profondeur, que faut il penser alors ? Des armements conventionnels ne peuvent pas détruire ces installations. Seules des armes comme les B 61-11 (armes nucléaires de "faibles" puissance ) des américains pourraient détruire ces bunkers !!! Et il faudrait des centaines de bombes comme celles ci pour parvenir a enrayer le programme nucléaire Iranien. Une telle option entrainerait des conséquences incommensurables sur les relations entre les pays musulmans et les USA, mais aussi entre les USA et le reste du monde !!!
MAIS, si on laisse les Iraniens posseder un arsenal nucléaire avec leur missiles qui pourraient toucher l'Europe, Israël, et bien d'autres pays, comment cela va t-il finir ? En guerre nucléaire généralisée ????
Imaginons enfin que dans ces fameux bunkers les iraniens fabriquent aussi des armes bactériologiques ???
Le choix sera t-il d'utiliser l'arme nucléaire tactique en préventions de futures guerres nucléaires ou bactériologiques ???
Avant de se lancer dans une croisade contre les futures armes M51 francaise, peut etre devons nous nous poser certaines questions !!!
Rédigé par : dany | vendredi 28 avril 2006 à 16:46
45 euros par francais... c'est pas bien cher payé. Le gouvernement devrait me prendre un peu plus d'impos pour ce projet et en donner un peu moins aux caisses d'allocations familliales qui contribue a l'évasion de capitaux hors de nos frontieres.
Et puis parler d'armes de destruction massive alors que ce n'est justement pas le cas puis ces bombes permettront justement de réaliser des frappes precises.
Rédigé par : paul martino | vendredi 14 juillet 2006 à 20:31