
Clearstream n'est qu'un maillon de ce système, caricatural et dénoncé depuis le début de l'année 2001 par Denis Robert (et d'autres), dans la foulée de sa prime-enquête [en 1996, Denis Robert réunissait sept grands magistrats anti-corruption pour lancer l'Appel de Genève pour un espace judiciaire européen. Cet appel fait l'objet d'un livre 'La justice ou le chaos', paru la même année] et du livre-bombe Révélation$ qui conduisit à une enquête parlementaire sur le blanchiment d'argent, présidée par Vincent Peillon et Arnaud Montebourg [de ces développements, Denis Robert tira un second récit 'La boîte noire' et un second film diffusé par Canal+, L'affaire Clearstream].
Le combat de coqs qui oppose les deux lobes de notre actuel gouvernement bicéphale a conduit "on ne sait qui mais vous finirez par le savoir" à glisser dans des fichiers éponymes gracieusement communiqués par un "corbeau" quelques noms (grands dirigeants et politiques, de multinationales et PME aussi célèbres que Lagardère ou l'UMP pour ne citer qu'elles), listing à faire bander n'importe quel magistrat. En mai 2004, le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé de l'enquête sur la vente des frégates de Taïwan (une autre perle de malversations) avait reçu une lettre anonyme citant des numéros de comptes bancaires allant déjà en ce sens. Rumeurs, luttes de pouvoir, gros sous : "et là, c'est le drame".
Depuis, l'exécutif français est en sursis. Depuis quoi ? Depuis que cette affaire, véritable mine antipersonnelle, a fait imploser le deuxième pied d'un gouvernement dont brushing-premier avait déjà suicidé l'autre d'une balle à fragmentation Conçue Pour Exister. La suite ? Un champ de course où étalons et porteur(s) de talonnettes parient sur une issue inéluctablement tragique. Péril dans la Maison République... Car quelle qu'elle soit, cette ruée vers le poste sacré et l'enlisement de celui qui occupe le trône-France avec insistance pour une insoignable constipation [j'ai pas dit constitution] mêlée d'incontinence-lasse est d'ores et déjà une tragédie pour le pays. Cette République que l'on dit Royaliste à ses heures et dont la petite musique ressemble chaque jour davantage à des orgues tapageurs de quelque barbarie exaspérée est à bout de nerfs. Le gouvernement ne s'en remettra pas, ne doit pas s'en remettre. Le chef de l'État sans doute pas plus (quoi qu'un Bush n'ai "même pas" souffert d'un Fahrenheit 911, ce qui est quand-même extraordinaire).
- Pas tout de suite mon amour, fini déjà ton Clearstream."
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Affaire Clearstream : la version du général Philippe Rondot
Le conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales (CROS) du ministre de la défense rappelle en préambule qu'en octobre 2003 Jean-Louis Gergorin, vice-président exécutif d'EADS, lui a signalé qu'Imad Lahoud, l'informaticien qui est aussi directeur scientifique chez EADS, " avait mis au jour une vaste entreprise de corruption à des fins de déstabilisation, affectant nos services de renseignement, certaines sociétés et le monde politique".
Le 5 novembre 2003, le général Rondot décide d'"engager une opération", après, précise-t-il, "en avoir succinctement rendu compte, les 9 et 30 octobre, à votre directeur de cabinet [Philippe Marland]" . Au fur et à mesure qu'Imad Lahoud apportait le résultat de ses recherches "à partir de la pénétration informatique qu'il disait avoir réalisée dans le secteur bancaire, un schéma se dessinait : Alain Gomez [ancien PDG de Thompson], usant de rétro-commissions perçues dans différents marchés, dont celui des frégates de Taïwan, et des hommes d'affaires, pour certains étrangers, alimentaient un compte central détenu par un dirigeant d'Airbus, Philippe Delmas [les enquêtes en cours n'ont pas confirmé, à ce jour, les soupçons visant M. Gomez et M. Delmas]." "Selon les relevés qui m'étaient communiqués, poursuit le général Rondot, ce dernier aurait effectué, entre 1999 et début 2004, des virements massifs au profit de plusieurs comptes, à l'étranger. Au nombre de ceux-ci, on relevait, parmi les détenteurs, des responsables des Services et quelques personnages ayant déjà fait parler d'eux dans des affaires de corruption." Le général souligne que, compte tenu de l'ampleur et de la sensibilité des renseignements qui lui étaient communiqués, il a alerté Philippe Marland le 14 novembre 2003.
A l'occasion de cet entretien, poursuit-il, il a été décidé de procéder à des vérifications qui devaient valider ces renseignements, "avant de vous en rendre compte, ainsi qu'au président de la République". Le général explique qu'il s'est assuré qu'Imad Lahoud "avait bien les accès informatiques qu'il prétendait et qui lui permettaient de recueillir les données, à la base de la description du système de corruption". Il indique ensuite : "Nonobstant mes doutes, Jean-Louis Gergorin a jugé utile d'informer Dominique de Villepin : le ministre m'a convoqué le 9 janvier 2004, à son bureau, en sa présence. Il m'a appris qu'il avait rendu compte au président de la République de la gravité des choses et que celui-ci l'avait chargé de me donner ses instructions pour procéder à des vérifications discrètes, ce dont j'ai rendu compte à votre directeur de cabinet, le 28 janvier 2004." "Entre-temps, poursuit le général Rondot, j'avais averti Dominique de Villepin qu' il fallait être certain de ce qui est avancé, ce qui suppose à la fois la validation des informations obtenues et de la rigueur dans leur interprétation . En effet, dès le départ, j'ai eu des doutes quant à la véracité des renseignements que l'on me transmettait, compte tenu de la personnalité d'Imad Lahoud (un passé judiciaire chargé) et du comportement erratique de Jean-Louis Gergorin, lequel, de manière pressante, s'était efforcé de m'instrumentaliser." Le général indique que de février à juillet 2004 il a poursuivi ses vérifications à parti des documents informatiques livrés par Imad Lahoud.
Il précise comment il a agi : "Criblage de personnes et de sociétés étrangères figurant sur les listes; contacts avec certains Français que je connaissais, pour tester, sans les alerter, leurs vulnérabilités (…); observation in situ des pénétrations informatiques réalisées par la source sur le réseau bancaire (Clearstream). Aucune réponse satisfaisante n'est venue conforter l'existence d'un tel réseau, même si de nombreux indices pouvaient laisser penser que des opérations financières douteuses avaient été réalisées ou pouvaient continuer à l'être." Dans son rapport, le général Rondot fait référence à un "incident", survenu le 24 mars 2004, qui l'a opposé à Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud. Il cite à ce propos un document d'EADS stipulant que les activités des deux hommes "avaient la caution du ministère de la défense". Mais il ne précise pas la cause de l'incident. Celui-ci a trait à une note manuscrite de Jean-Louis Gergorin, sur papier à en-tête d'EADS, adressée à Pierre-Georges Sava, directeur du CRC (le centre de recherche d'EADS), dans laquelle l'intéressé affirme qu'une mission de caractère antiterroriste lui a été confiée par le général Rondot, qui justifie de faire appel à Imad Lahoud (lequel travaille à EADS). Furieux, le général Rondot a une explication orageuse avec Jean-Louis Gergorin, et il dément les affirmations de l'intéressé dans une note à Philippe Marland en date du 29 mars.
Son rapport se poursuit ainsi : "Après avoir mis les choses au point, j'ai pourtant continué à traiter Imad Lahoud et rencontré Jean-Louis Gergorin, qui, malgré les interrogations que je continuais à avoir, m'assuraient de la crédibilité de leurs informations." Le CROS indique que ses investigations, notamment auprès d'établissements bancaires en Suisse, n'ont donné aucun résultat. En mai 2004, rappelle-t-il, le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé de l'enquête sur la vente des frégates de Taïwan, avait reçu une lettre anonyme citant des numéros de comptes bancaires.
Dans les jours qui ont suivi, la presse reprenait cette information. "La rumeur, persistante, écrit Philippe Rondot, a attribué à Jean-Louis Gergorin l'origine de ces envois, ce dont sont persuadés certains hauts fonctionnaires dénoncés dans ces courriers et bien placés pour mener leurs propres investigations et conforter cette piste initiale et unique du corbeau, relayée, sans doute, par des vecteurs secondaires."
"La mise en cause de plusieurs hommes politiques, de droite comme de gauche, dont les noms étaient apparus dans une liste de 895 comptes, soit-disant clôturés précipitamment le 12 mai 2004, appelait de leur part un démenti total. Clearstream et les banques signalées apportaient, de leur côté, des correctifs allant dans le même sens. Arrivé à ce stade de mes vérifications – qui n'ont concerné que les personnels ayant des liens avec la défense et pour lesquels je n'ai recueilli aucune information accréditant leur implication dans ce réseau –, je persiste à exprimer les plus grandes réserves quant à la réalité, telle que décrite dans le premier courrier anonyme d'avril 2004." Le général termine ainsi son propos : "Considérant qu'il appartenait à la justice, normalement saisie, de faire la lumière sur ce dossier, j'ai cessé, à la fin de l'été, mes recherches en évitant de revoir, sur ce sujet, Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud. Beaucoup d'hypothèses peuvent être émises sur l'origine de cette affaire, les motifs politiques ou industriels qui ont poussé son (ou ses) initiateur(s), la manipulation des médias et, in fine, une instrumentalisation possible de la justice." Dans cette note adressée à Mme Alliot-Marie, le général Rondot ne cite aucun nom de personnalité politique. C'est ce qu'a souligné Dominique de Villepin dans ses mises au point successives, notamment sur Europe 1, mardi 2 mai. Sa note, en revanche, revient à attribuer une responsabilité écrasante à Jean-Louis Gergorin. En réponse aux questions des juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, le 28 mars, le général Rondot a donné des précisions qui s'écartent de son rapport d'octobre 2004.
Selon son entourage, la ministre de la défense n'aurait appris l'existence d'une version complétée (par les noms d'hommes politiques) des listings Clearstream que par le biais d'un article de l'hebdomadaire Le Point du 8 juillet 2004. Le général Rondot est reçu par la ministre de la défense au début du mois, puis le 27 juillet 2004. Aucune indication ne permet de savoir si, lors de ces entretiens, il continue à taire les noms des hommes politiques visés."
[Article de Laurent Zecchini]
Voici un billet qui sonne très juste... :)
Bravo au chef d'orchestre!
Rédigé par : Pierre | mardi 02 mai 2006 à 18:15